L’Europe a pris depuis une dizaine d’années de nombreuses résolutions ou décisions visant à créer à terme de véritables écoles doctorales fondées sur la reconnaissance mutuelle des diplômes et sur une mobilité accrue des jeunes chercheurs pendant et après la thèse.
Au niveau politique, les déclarations de la Sorbonne, de Bologne et de Prague ont défini les objectifs à atteindre pour qu’existe un « Espace européen de l’Enseignement Supérieur » et mis l’accent sur la nécessité d’harmoniser les programmes et les diplômes d’enseignement supérieur, aussi bien dans leur contenu que dans leur durée. La plupart des pays ont mis en place de nouveaux découpages de leurs programmes fondés sur le système « 3-5-8″ et introduit un système de crédits destinés à faciliter les reconnaissances de diplômes et les validations de séjours à l’étranger.
Le sommet de Lisbonne (2000) a affirmé la volonté politique forte de tous les états membres de l’Union Européenne de renforcer et développer » l’Europe de la connaissance » dans un contexte de compétitivité économique mondiale et de cohésion sociale européenne. Celle-ci s’appuierait sur deux piliers : l’ « Espace européen de l’enseignement supérieur » et l’ « Espace Européen de la Recherche ».
En 2000, la Commission européenne a publié la communication « Vers un espace européen de la recherche » qui définit un triptyque ambitieux d’intégration, de structuration et de renforcement de la recherche européenne afin d’augmenter la compétitivité économique de l’Union européenne, d’en faire un leader mondial dans les principaux domaines de la science et de la technologie et un pôle d’attraction pour les chercheurs du monde entier.
Si l’on se focalise maintenant sur les études doctorales, on peut observer plusieurs avancées récentes qui se situent dans le droit fil des positions politiques qui viennent d’être évoquées.
Masters et doctorats
Dans la plupart des pays européens existent ou existeront dans un futur très proche des diplômes de Master délivrés après cinq années d’études ou après l’obtention de 300 crédits ECTS, la durée pouvant être un peu plus courte ou un peu plus longue dans certains pays. Ceci est valable pour la plupart des domaines disciplinaires à l’exception de la médecine. La distinction entre masters « académiques » ou « de recherche » et masters à « finalité professionnelle » n’est faite que dans certains pays, la France par exemple. L’accès au Master nécessite le plus souvent l’obtention du diplôme de Bachelor ou son équivalent mais un nombre croissant de pays en permettent l’accès à des non-diplômés mais pouvant faire valoir une expérience et des compétences professionnelles importantes.
En ce qui concerne le doctorat, il n’y a pas de véritable consensus sur le contenu minimum, sur la durée ou sur les modalités d’obtention qui restent encore très variables d’un pays à l’autre. On peut remarquer toutefois qu’une durée minimum de 3 ans après l’obtention du master est la règle.
L’harmonisation des cursus et des diplômes n’est qu’une étape vers la mise en place de véritables programmes européens sanctionnés par des diplômes « européens » reconnus non seulement à l’intérieur de l’Europe mais aussi à l’extérieur. Où en est-on ? Il y a une volonté affirmée de la Commission européenne de mettre en place assez rapidement des Masters européens. Un début d’expérimentation se fera en 2003 à l’occasion d’un programme coordonné par l’Association de l’Université européenne (EUA) et soutenu par la Commission : 11 projets de Masters européens réunissant chacun entre 6 et 10 établissements de toute l’Europe devraient être mis en place d’ici un an. Ils seraient sanctionnés par un diplôme délivré conjointement par tous les participants. Cette expérience constitue la préfiguration des Masters européens que la Commission souhaite voir créer dans le cadre du programme « Erasmus World » qui sera lancé en 2004. ce programme qui sera l’extension de l’actuel programme Erasmus aux pays tiers, reposera sur des programmes de Masters qui seront mis en place par plusieurs pays européens afin d’attirer en Europe de très bons étudiants des pays tiers.
Ce projet, dont tout le monde s’accorde à en reconnaître l’intérêt, suscite toutefois des interrogations sur la notion de diplôme européen et sur les critères et les experts choisis pour l’évaluation, voir l’accréditation de ces Masters. Il est important de noter qu’il existe déjà d’assez nombreux Masters organisés par des établissements relevant de pays différents. Il s’agit le plus souvent de programmes fondés sur des accords inter-institutions et non sur des accords intergouvernementaux. Comme il réglementairement difficile pour des établissements régis par des législations différentes de délivrer un seul et même diplôme, ceux-ci ont en général recours à la co-diplomation, chaque établissement délivrant un diplôme reconnu dans son pays et mentionnant les établissements partenaires dans le programme.
Une situation très comparable est observée en ce qui concerne le doctorat où la délivrance de diplômes conjoints reconnus dans les pays où la thèse a été préparée aurait tendance à se généraliser à toute l’Union européenne. La France a été pionnière dans ce domaine an créant en 1990 le système des co-tutelles de thèse avec une définition claire des objectifs et des conditions à remplir pour qu’un étudiant puisse bénéficier à la fin de sa thèse d’une co-diplomation. Dans les autres pays, les procédures sont beaucoup moins formalisées et varient d’une véritable co-diplomation (Allemagne, Suisse, Espagne, Portugal) à la délivrance d’un seul diplôme par l’université du pays mentionnant éventuellement la participation d’un laboratoire d’un autre pays à la préparation de la thèse (Pays-Bas, Grande-Bretagne).
Les évolutions probables :
La construction de l' »Espace européen de la Recherche » ne pourra se faire sans une mobilité accrue des chercheurs à tous les niveaux : doctorants, post-docteurs, chercheurs confirmés . Pour atteindre cet objectif, la Commission européenne s’appuiera sur le 6ème Programme Cadre de Recherche et Développement Technologique (6è PCRDT) qui démarre en cette fin 2002, et sur son volet « Ressources humaines et Mobilité ». Ce volet, qui fait suite au volet « Training and Mobility of Researchers » (TMR) du 4ème PCRDT et au programme « Accroître le potentiel humain » du 5è PCRDT, se voit doter d’un budget de 1,58 milliards d’euros, soit un doublement par rapport au 5è PCRDT. Son objectif n’est pas seulement d’apporter un soutien financier aux chercheurs désireux d’effectuer un séjour dans un autre laboratoire en Europe, mais que cette mobilité participe à la fois à l’intégration et à la structuration de la recherche européenne et, sur le plan individuel, contribue à « européaniser » la carrière des chercheurs de l’UE en faisant de la mobilité une quasi-obligation et en s’efforçant d’en faire disparaître progressivement les freins, qu’ils soient financiers, réglementaires, socio-économiques, etc .
N’ayant pas compétence pour modifier les législations nationales, la Commission associera aux actions de mobilité proprement dites, toutes appelées Marie Curie (voir document joint), des incitations fortes en direction de tous les états concernés (états membres et états associés candidats) pour que des moyens appropriés portant sur les modifications des réglementations, l’amélioration des conditions d’accueil (échange de bonnes pratiques entre pays), l’information des chercheurs sur les possibilités de mobilité offertes soient mis en oeuvre pour que cette mobilité soit accessible au plus grand nombre de chercheurs, quels que soient leur pays d’origine, le pays destinataire, leur domaine de recherche, leur niveau de ressources, leur sexe.
Parmi les différentes actions Marie Curie, je citerai celles qui devraient faciliter l’émergence de véritables études doctorales de dimension européenne :
– Les bourses d’accueil pour jeunes chercheurs : ces bourses concernent prioritairement les doctorants qui se voient offrir la possibilité d’effectuer des séjours d’une durée allant jusqu’à 3 ans dans un laboratoire de l’Union européenne autre que leur laboratoire de rattachement. Par leur montant et leur durée, ces bourses devraient contribuer à augmenter de manière significative le nombre de co-tutelles de thèse et à en permettre la généralisation à toute l’Europe.
– Les réseaux de formation à la recherche : ceux-ci sont destinés à regrouper des laboratoires de plusieurs états européens autour d’un projet de recherche et créer ainsi des réseaux pan-européens qui recevraient un financement substantiel pour une durée de 4 ans pour accueillir des chercheurs (doctorants ou post-doctorants).
Dans les deux actions, il est demandé aux institutions d’accueil d’offrir une formation à la recherche et par la recherche, structurée et allant au-delà d’un simple stage de laboratoire, sous la forme d’enseignements complémentaires sur des aspects variés de la recherche et de ses applications. Ces exigences de la Commission ne sont pas sans rappeler celles que doivent remplir les écoles doctorales françaises et devraient aboutir à terme à la mise en place de véritables Ecoles doctorales européennes.